......... Nos compatriotes ne se satisfont plus des seuls plaisirs de la plage et décident de prendre le large, soit à bord de voiliers, dériveurs ou croiseurs, soit à bord de canots de types divers pour la pratique de la pêche en mer. L'apprentissage nécessaire, plus ou moins bien mené, donne inévitablement lieu à des incidents, parfois générateurs d'accidents graves nécessitant l'intervention des sauveteurs les plus proches. .........

En 1950, Argenton ne disposant plus d'aucune organisation de sauvetage, ces missions ne pouvaient être remplies, dans notre secteur maritime, que par les canots de Portsall, du Conquet ou de Molène, ou par les particuliers armant leur propre bateau. L'intensité croissante du trafic plaisance nécessitait donc l'aménagement d'une station de sauvetage dans ce port. Le naufrage du bateau douarneniste "Michel et Manu" dans la nuit du 9 au 10 janvier 1962 à la pointe sud de l'île d'Iock, fut l'occasion déterminante pour provoquer les décisions appropriées. D'un équipage de douze hommes, seuls trois parmi les plus jeunes parvinrent à regagner la terre ferme, sur place, les marins impuissants déplorèrent de n'avoir pu disposer d'un moyen d'intervention.

M. Charles Pavot, maire de Landunvez, multiplie les démarches et obtient l'implantation d'une nouvelle station à Argenton le 1er avril 1962.

A cette époque, la société de sauvetage est les Hospitaliers Sauveteurs Bretons (H.S.B.) dont le siège est à Rennes. Cette nouvelle tutelle sera de courte durée. En effet, depuis leur création, les directions centrales des deux sociétés éprouvent bien des difficultés pour assurer le fonctionnement, le renouvellement de la flotte et l'entretien des abris et cales de lancement.

En 1967, à la demande de la Marine Marchande, principal bailleur de fonds, la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés et la Société des Hospitaliers Sauveteurs Bretons se regroupent pour créer la Société Nationale de Sauvetage en Mer.

Le 4 juin 1962, la station d'Argenton est dotée d'un canot pneumatique de type Zodiac Mark III qui prend le nom de "Jean Fily", ancien patron. Le nouvel engin est entreposé dans un hangar jouxtant le club de voile Manche-Océan créé deux ans plus tôt.
Pour remettre sur pied une organisation nouvelle et assurer en priorité l'armement du canot pneumatique mis à sa disposition, Charles Pavot fait appel à jean Le Dall, Armand Marc, Charles Gare, Joseph Autret, Alfred Le Martret, Joseph et Edouard Fily, Yves Quéré, Yves Daouben, Eugène et René Pelleau, jean et François Lansonneur, Eugène Cléach, Joseph Corolleur, Goulven Le Her, jean Vennéguès, Jean-Pierre jousselin, Pierre Provost.

Pari ces bénévoles, certains pêcheurs professionnels ou plaisanciers basés à Argenton et Porspoder, furent volontaires pour aider la station avec leurs propres embarcations. Ils se groupèrent en une flottille auxiliaire qui intervint pour suppléer au zodiac dans les opérations graves.

La Station,
forte de 23 membres est équipée d'une vedette
de 3eme classe et de deux canots pneumatiques

Au cours de cette période, la vedette "Iroise" du service de l'Equipement était basée à Argenton. Elle se trouvait donc présente au port en dehors de ses missions de ravitaillement des phares dont elle avait la charge. En accord avec le président de la station, le patron et l'équipage de "l'Iroise" intervenaient dans les opérations de sauvetage, le plus souvent avec les moyens de leur service. Cet appoint important cessa au désarmement de la station de l'Equipement en 1974.

En 1975, Charles Pavot, en raison de ses activités professionnelles qui l'éloignent de notre région, cède la présidence de la station à l'Amiral Drogou.

Le développement des stations balnéaires locales et de la voile sportive incite les jeunes à rejoindre Argenton. Ils apprécient la possibilité de pouvoir manœuvrer un engin rapide et sportif.

Le premier zodiac, "Jean Fily", est déclassé en 1977 et remplacé à titre d'essai par un engin en plastique du type Pop 5 de 4,10 m de long, propulsé par un moteur hors-bord de 40 cv. Ce nouvel engin, très bas sur l'eau, devait s'illustrer lors du naufrage de la vedette des Phares et Balises "La Ouessantine".

Souvenons-nous... Le 9 décembre 1978, la "Ouessantine" procède à la relève des gardiens du phare du Four. Le temps est couvert, la visibilité médiocre, le vent de sud force 5 entretient une forte houle résiduelle de sud-ouest qui rappelle les tempêtes du début du mois. Malgré la forte houle, l'opération se déroule normalement quand brusquement une vague déferlante "capelle" la vedette et l'engloutit, entraînant l'équipage.

L'alerte est reçue à 13 h 40. Le Pop appareille avec Charles Pavot, Francis Kerbrat et Bernard Abalan. A 16 h 30, à un nautique dans le nord du phare, ils repêchent un naufragé qui hélas est décédé. Alors qu'ils transportent la victime sur un bateau de pêche du Conquet,une vague, embarquée par l'arrière, noie le moteur qui refuse alors tout service.

Nos trois sauveteurs embarquent avec le Pop sur "L'Azalée" pour continuer les recherches. Ce drame a fait deux victimes.

Dans une mer dure, le Pop s'est bien comporté, mais a montré ses limites. Les sauveteurs demandent un moyen plus sûr et mieux adapté. Leur appel est entendu. Trois vedettes sont en construction aux chantiers Bénéteau à Saint-Gilles Croix de Vie. L'une d'elles sera affectée à Argenton.

Le 16 avril 1979, les trois vedettes destinées à Plouguerneau, Le Conquet et Argenton rallient leur port respectif après une navigation en groupe avec escale à Bénodet le premier soir.

La vedette offerte à Argenton par l'association des blessés de la face, "Les Gueules Cassées", va porter le nom de celui qui fonda cette association et en fut le premier président en 1921, le colonel Picot.

La cérémonie de baptême eut lieu le 18 mai 1979 en présence de l'amiral Amman, premier président de la S.N.S.M., du médecin général Chippaux, président de l'association des blessés de la face "Les Gueules Cassées", accompagné d'une délégation de dix membres de cette association, dont M. Garnier, vice-président et résidant chaque été à Kersaint, Michel Picot, fils du colonel Picot et Mme L'Hernauit-Picot, petite-fille du colonel et marraine de la vedette.

Assistaient à cette cérémonie M. Georgelin, administrateur général des Affaires Maritimes, M. Fertil, chef du Quartier de Brest, l'amiral Drogou, président de la station, M. Pavot, maire de Porspoder, et M. Yves Pellé, ancien maire, conseiller général.

Cette nouvelle vedette de 7,80 m, de type Antarès, construite en composite verre résine, est propulsée par un moteur Couach Renault diesel développant une puissance de 145 cv pour une vitesse de 12 noeuds.

Vedette et Pop vont oeuvrer de concert jusqu'en 1986. Ainsi, le 23 février 1985, prévenu par un témoin, le Cross Corsen demande à la station d'intervenir pour porter assistance à cinq personnes dont le canot pneumatique a chaviré dans les brisants de Bazenn greiz, entre le Monzon Vras et la pointe de Garchine. Une longue houle vient se briser sur les rochers ; le vent est de sud-ouest force 2-3. Le Pop armé par Bernard Gare, Marc Provost et Jean-Jacques Le Deun, récupère tout d'abord, à 200 m des rochers de Beg uhel, le corps d'un enfant inanimé, puis un second sur la roche. Pour effectuer plus efficacement les mouvements de réanimation, le Pop regagne la plage.

A l'arrivée des pompiers, le Pop appareille à nouveau pour récupérer, sur la roche, deux naufragés et un sauveteur, M. Le Berre, qui, témoin de l'accident s'était porté à la nage au secours des naufragés. A l'arrivée de l'hélicoptère de la Protection Civile, des recherches sont entreprises Pour retrouver l'adulte qui a disparu. Hélas, sans succès.

Trois personnes sur cinq ont été sauvées dans des conditions délicates. En 1986, le Pop est remplacé par un nouveau zodiac Mark III, toujours en service actuellement.

Les exercices sur zone permettent de tester 
l'efficacité du matériel et du personnel

Cent ans après sa création, la station d'Argenton est toujours "solide au poste", mais l'organisation du sauvetage et les moyens mis en œuvre ont bien changé.

Si autrefois les stations réparties sur le littoral opéraient indépendamment, l'installation depuis 1967, de Centres Régionaux Opérationnels de Surveillance et de Sauvetage (C.R.O.S.S.) - Etel 1967, Jobourg 1970, Gris Nez 1972, Corsen 1982 - a permis d'exercer une permanence opérationnelle.

Les Cross tiennent à jour la liste des moyens d'intervention mobilisables, reçoivent les alertes et les informations pour la recherche et le sauvetage, ce qui leur permet de prendre la direction des opérations en coordonnant l'action des moyens dont ils disposent.

La station d'Argenton-Porspoder, entourée de stations équipées de canots tous temps (Le Conquet, Molène, Ouessant et Portsall) fait partie de l'organisation mise en place par le Cross Corsen. Notre zone d'intervention, qui se situe entre la pointe de Corsen et la pointe de Landunvez, est particulièrement "mal pavée". Parsemée de récifs et soumise à de forts courants de marée, elle demande pour intervenir efficacement une connaissance parfaite des lieux que possèdent les patrons, pêcheurs locaux ou goémonniers.

L'effectif des sauveteurs est actuellement de 23. Actifs et retraités forment une équipe dynamique, chacun effectuant sa tâche avec une compétence tranquille en évitant de valoriser une action personnelle. La majorité d'entre eux possède une formation secourisme régulièrement entretenue par des stages, et six possèdent le matériel et l'entraînement nécessaires pour opérer de menus travaux sous-marins, par exemple pour dégager des filins entravant des bateaux malchanceux.

Pour le matériel, la station entretient les moyens mis à sa disposition par la société en s'efforçant de suivre au mieux l'évolution technique, pour être au moins aussi bien équipée que les plaisanciers qui fréquentent nos régions. Ainsi, la vedette "Colonel Picot", dont le remplacement est prévu en 2005, a été équipée en 1992 d'un système de navigation par satellite (don de la société Thomson-CSF de Brest). Couplé aux nouveaux radar et sondeur remplacés en 1993 et 1994, ce système donne une position instantanée et détermine route et vitesse. Bien entendu, quand l'intervention se situe près des roches ou des hauts-fonds, rien ne vaut l'œil exercé et la pratique de nos patrons. Par contre, par temps bouché ou par brume, il facilite les recherches en apportant une grande sécurité dans la navigation. En 1994, un local ayant été mis à notre disposition sur le port de Lanildut par la municipalité, la station sur ses propres deniers a fait l'acquisition d'un canot pneumatique à coque rigide, plus sûr et plus rapide, complétant ainsi ses capacités d'intervention. Ces trois moyens sont certes modestes mais toujours prêts à intervenir sur simple appel du Cross Corsen. La grande richesse de la station réside dans ses hommes qui, fiers de leurs grands anciens et dans la même tradition, perpétuent la solidarité des gens de mer.

André Salaun.